Rencontre imprévue [Savannah]

Une douce matinée pour une saison aussi froide… Lanie était assise sur une parcelle de terre, son carnet de note dans les mains, et son crayon à la bouche. Elle réfléchissait à ses précédentes notes, à ce qu’elle avait écrit les jours précédents… La Chine est un pays magnifique, malgré les conditions politiques actuelles. Les étrangers sont encore bien reçus… pour le moment. Que disaient ses notes ? Un peu de tout, Shangri-La, la fameuse carte qui donne son emplacement… Elle gardait toujours ce calepin prêt d’elle, au cas où quelque chose devait lui arriver personne ne pourrait mettre la main sur ses notes. Dedans il n’y avait pas l’emplacement exact de la cité, mais celui d’autres reliques, temples et tombeau qu’elle avait eu la chance de voir ou d’approcher d’assez prêt pour le voir de ses propres yeux. Un archéologue débutant (voir non débutant en fait) serait heureux de posséder cet outil en main… Toujours assise au sol, son sac à dos sous le bras, elle leva la tête pour regarder les habitants aller-venir, en la saluant. Ici ils sont polis et chaleureux, pas comme en occident. Lanie préférait de loin être dans un village un peu isolé, mais chaleureux, que dans son pays avec tous ces grands messieurs du monde, qui prout plus haut que leur derrière.

Après quelques minutes de gribouillage intensif sur son calepin, elle entendit au loin une voix féminine et familière. Lanie se redressa d’une traite et se dirigea d’un pas vif vers la voix. De là où elle était elle pouvait voir une chevelure brune et longue, une femme aussi grande qu’elle, mais plus jeune. Savannah Mendelëiv, une jeune femme passionnée par l’archéologie qu’elle a rencontrée il y a un an. Plutôt sympathique d’ailleurs, elle pourrait devenir une brillante archéologue si elle se lançait dans cette voix une bonne fois pour toute. Lanie s’approcha et posa sa main sur son épaule, furtivement, pour la faire se retourner.

« Savannah… comment vas-tu ? »

Elle lui sourit et attendit sa réponse. Le temps était doux et il y avait du vent, mais plutôt agréable. La jeune femme aimait entendre le bruit des armes, des branches et des feuilles ici. C’est fou le nombre de bruit que l’on peut entendre si on écoute bien ce qui nous entour.

« Que fais-tu ici? Je ne savais pas que tu étais là. »

Lanie replaça son sac à dos à sa place initiale et rangea son calepin dans l’une des poches intérieures de sa veste en coton noire.

Lanie ne pensait pas la trouver ici, bien qu’en y réfléchissant bien c’était assez probable. Cette jeune femme aimait l’aventure et l’Histoire, la Chine offrait à elle seule de multiples mystères, dangers et expéditions que beaucoup d’archéologues apprécient. Alors après tout, c’était normal de voir Savannah ici, en Chine. Elle s’approcha donc de la jeune femme, se sentant soulagée de pouvoir tuer le temps en compagnie d’une personne qu’elle appréciait. Les mottes de terre c’est bien sympathique, mais elle en avait parfois marre de gribouiller sans cesse dans son petit calepin assez usé par le temps. Un petit crayon de bois pas plus haut que son pouce, il faut dire qu’elle l’avait depuis plus de trois ans, et qu’au départ elle se plaignait de sa taille… aujourd’hui, ce petit morceau de bois compte un peu plus, c’est ridicule, mais elle l’utilise au minimum pour le garder le plus longtemps possible. Et oui, chacun son truc. Elle, elle aime son crayon de papier, de quatre centimètres et mâchouillé…

Je disais donc : Lanie s’approcha de la jeune femme et lui toucha l’épaule. Celle-ci sursauta, et Lanie afficha un léger sourire sur son visage en voyant le sien. Elle était ravie de la voir, ici, cela allait lui changer les idées. Elle lui répondit à sa première question, puis à la seconde et Lanie rétorqua presque aussitôt.

« Ton père n’approuve pas totalement alors? En tout cas tu as bien fait de venir. Il est vrai que la situation politique du pays n’est pas magnifique, mais en tant qu’archéologue, je peux te dire que cela vaut plus que le coup de venir. »

Dans un petit élan de joie, Lanie en vint à enlacer la jeune femme. Elle ne pensait pas que voir une personne extérieure aux archéologues coincés des fesses pouvait lui faire autant de bien. D’autant plus que Savannah était d’une très bonne compagnie, intelligente et très motivée. Lanie le savait et elle se revoyait en elle quelques années plus tôt. Finalement, elle se détacha et l’entraina sur une sorte de … un banc on va dire, en bois, assez épais mais écorché à certains endroits. Lanie s’assise la première en mettant son sac à dos entre ses jambes.

« Oh tu sais pas grand-chose, je suis déjà venue les années passées et j’avais envie de changer d’air, de sortir de ce monde un peu trop… fade pour moi. »

Elle sourit, et se garda bien de lui parler de Shangri-La. On n’est jamais trop prudent.

« Et toi, tu as des projets ? Tu restes combien de temps ? Si tu veux, il y a un site à quelques kilomètres, à l’intérieur des terres près de la grande muraille. Je peux y aller et si ça t’intéresse, tu peux m’accompagner. »

Elle lui proposa, comme elle l’avait fait à de nombreuses reprises l’année dernière.

Lanie fut ravie d’entendre la réponse –positive- de la jeune femme.

« Je dois m’y rendre demain, et le jour suivant. Si ça te convient, on a qu’à se rejoindre au centre de ce village, le convoi ne passe pas très loin d’ici. Par contre, Savannah, je te conseille de prendre tous ce que tu peux contre les insectes, là bas ce n’est pas ce qui manque. »

Un léger sourire illumina son visage. Elle était ravie de pouvoir venir en aide à la jeune femme, même si l’expédition –même si cela n’en était pas vraiment une- ne durait que deux jours. Elle se revoyait à son âge, entouré d’hommes beaucoup plus âgés qu’elle qui ne se donnaient pas la peine de l’aider ou de l’aiguiller lors des diverses fouilles. Cela, Lanie en a un amer souvenir, elle ne pouvait pas les voir et toutes les excuses étaient bonnes pour se tirer dans les pattes, directement, ou par l’intermédiaire d’autres ‘collègues’. En fait, la jeune femme était assez solitaire à ce niveau là. La preuve ici, seule, le cul sur une motte de terre il y a moins de trois minutes. Certains disent qu’il s’agit de méfiance vis-à-vis des confrères parfois irrespectueux et qui n’hésitent pas à s’approprier le travail des autres, d’autres disent qu’elle est plus que chiante à supporter quand cela touche l’archéologie…

On peut dire qu’il y a une part de vrai dans chacune des excuses que les historiens peuvent donner au sujet de Lanie Isabel Callaghan. Cependant, elle aurait voulu avoir quelqu’un sur qui compter pendant ses études, hors ce ne fut pas le cas. Elle n’aurait pas proposé à n’importe qui de l’accompagner, surtout sur ce terrain, mais après tout, elle était de bonne humeur aujourd’hui, et elle espérait ne pas se tromper au sujet de Savannah.

« Par contre les hommes sont très à cheval sur les principes. Les hommes devant, les femmes derrières, pour soit disant, nous protéger… Je te conseil de ne pas relever leurs blagues stupides, ils ont un humour à fendre des carreaux >> … Et j’espère pouvoir te faire confiance. »

Elle sourit à nouveau, mais cette fois ci, plus pour lui montrer qu’elle attendait d’elle une bonne attitude. Elle n’en doutait pas, cependant, certaines personnes peuvent révéler leur véritable personnalité devant une jolie relique qui vaut la peau du cul du diable.